Un enfant après le décès d’un enfant


Le décès d’un enfant impose aux parents un long chemin de deuil. Si la mère est toujours en âge de procréer, se pose malgré tout la question -et le désir- de concevoir un autre enfant. L’avis du psychiatre Christophe Fauré. Alors que vous êtes en deuil de votre enfant, vous vous posez certainement la question du bon moment pour avoir un autre enfant. En fait, il n’y a pas de bon timing. Un constat s’est imposé à moi au fil des années. Je recommandais autrefois d’attendre un peu avant de concevoir un autre enfant, mais, de rencontre en rencontre avec des parents ayant décidé d’avoir rapidement un autre enfant après le décès, mon regard a changé car j’ai pu directement constater l’impact positif de l’arrivée d’un nouvel enfant sur le processus de deuil des parents. Il est important néanmoins de s’engager dans cette nouvelle grossesse en connaissance de cause car un effort supplémentaire va vous être demandé: il faut faire une véritable place à cet enfant à venir, en luttant contre cette insidieuse impression de négliger ou d’oublier celui que vous avez perdu. Cela passe par un engagement résolu et sincère dans votre travail de deuil. Des questions fondamentales s’imposent: « Sommes-nous, tous les deux, suffisamment prêts pour accueillir un nouvel enfant? » « Peut-il trouver sa place dans notre vie, sans que nous soyons trop parasités par notre deuil ? » « Avons-nous encore besoin de temps pour prendre soin de nous avant de laisser la place aux émotions de la maternité ou décidons-nous de nous redonner une chance de les rencontrer à nouveau rapidement? ». Si vous êtes la maman et que votre bébé est déjà conçu, n’ayez pas peur de l’influencer négativement par les émotions de votre deuil. N’hésitez pas à les vivre le plus honnêtement possible. Exprimez librement tout ce que vous ressentez, en expliquant -si vous le souhaitez- à l’enfant qui est dans votre ventre la raison de votre peine. C’est certainement une façon saine et sincère de vous préparer à son arrivée. La grande peur des parents en deuil est de concevoir leur enfant pour les mauvaises raisons, la principale étant de « remplacer » l’enfant disparu. Cette crainte est légitime mais elle est rarement fondée, sauf si les parents espèrent ainsi contourner la douleur du manque. Dans ce cas, le nouvel enfant se retrouve avec la lourde et vaine tâche de remplir le gouffre de la souffrance de ses parents. Dans des situations heureusement rares, ces parents confondent inconsciemment l’enfant disparu et l’enfant à venir. Ils vont même jusqu’à lui donner le même prénom et l’habiller avec les mêmes vêtements. Si les parents vivent cette confusion, ils chercheront chez le nouvel enfant l’écho de celui qu’ils ont perdu. A partir de là, cet « enfant de remplacement » se trouvera dans l’obligation de réparer la blessure de ses parents, ce qui est une position impossible à assumer. Devenu adulte, un « enfant de remplacement » souffre souvent de problèmes psychologiques et relationnels. Il a notamment la conviction de ne pas vraiment exister pour lui-même au regard des autres et passe inconsciemment sa vie entière dans l’ombre d’un enfant mort qu’il n’a jamais pu remplacer. J’insiste néanmoins: le risque est là, mais l’expérience montre qu’il n’est pas aussi fréquent qu’on pourrait le craindre. Une précaution s’impose malgré tout pour éviter d’inutiles parasitages entre les deux enfants: si l’enfant n’est pas encore conçu, il faut être vigilant à la superposition des dates anniversaires. En effet si vous concevez votre nouvel enfant 3 mois après le décès, il naîtra 9 mois plus tard : 3 + 9 = 12 mois… Sa naissance surviendra donc à proximité de la première date anniversaire du décès -voire le jour-même. Dans la mesure du possible, il est sage d’éviter ce télescopage des dates anniversaires.


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