Réconcilier économie et biodiversité


Les phénomènes de dégradation sont mécaniquement induits par un modèle économique non soutenable auquel le toujours plus (plus de production, plus de consommation, mais aussi plus de déchets, plus de gâchis…), tient lieu de dogme fondateur. Cette impression trouve de nombreuses illustrations si on considère les données factuelles ou quantitatives: on estime par exemple que dans les pays développés, entre 25 et 30% de la nourriture commercialisée est jetée, proportion qui flirte avec les 50% dès lors qu’on tient également compte des déchets produits dans les chaînes d’approvisionnement agroalimentaires. Non content d’être source de gâchis et de destructions, le modèle économique dominant n’est pas même efficace in fine. L’agronome Marc Dufumier décrit fort bien le déséquilibre économique fondamental caractérisé par une surproduction agricole dans les pays du Nord et une sous-production dans les pays du Sud, déséquilibre que les exportations ne compensent qu’imparfaitement et qui laisse 1 milliard de personnes souffrir de la faim. Ces constats n’obligent probablement pas à dresser l’acte de divorce définitif entre économie et environnement. La conciliation des objectifs que sont la satisfaction des besoins humains d’une part, et la protection de la biodiversité d’autre part, demeure possible. Plus encore, le maintien d’une biodiversité riche est une condition sine qua non de la satisfaction pérenne des besoins humains. Il existe ainsi une ample série d’approches et de thèmes, plus ou moins émergents, qui traduisent la volonté de réconcilier, autant que faire se peut, économie et environnement. À certains égards, la notion de «capital naturel» en fournit la base conceptuelle en suggérant d’emblée que la biodiversité est productrice de biens et de services au même titre que les formes patrimoniales plus familières que sont le capital financier ou le capital social. D’autres réflexions tendent à dégager des modèles organisationnels alternatifs: on opposera par exemple économie de subsistance (réputée vertueuse) et économie de marché (dispendieuse) ; on s’interrogera de la même façon sur les mérites d’une économie circulaire où recyclage et écoconception seraient généralisés, au point que le déchet d’une entreprise A puisse servir de matière première à une entreprise B. On peut aussi et plus largement s’attacher aux contours d’une économie verte qui fait actuellement l’objet d’une intense campagne éditoriale, avec des publications du PNUE, de l’OCDE et de l’Union Européenne consacrées au sujet. On voit bien qu’en somme, la volonté d’imaginer des modèles de production, de distribution et de consommation durables n’est plus une lubie marginale, mais un sujet incontournable, d’ores et déjà ancré dans la réflexion collective.


No Comments, Comment or Ping